Le bouleversement climatique est en cours sous nos yeux Très récemment, l’Agence océanique et atmosphérique américaine (NOAA) annonçait que le mois d’août 2016 était le mois le plus chaud jamais enregistré à la surface de la Terre depuis 137 ans. Plus édifiant encore, ce mois d’août est le seizième mois consécutif de record de températures depuis le début des relevés en 1880. Pour les huit premiers mois de 2016, la température à la surface des océans et des terres (14,1 degrés C) s’est située 1,01 °C au-dessus de la moyenne du XXe siècle, surpassant le précédent record de la même période en 2015 de 0,16 °C, a précisé la NOAA dans son bulletin mensuel des températures sur le globe. L’année 2016 est ainsi bien partie pour battre un nouveau record annuel de chaleur, qui serait le troisième consécutif. Le réchauffement global est donc bien en route, sous nos yeux, et il a une lourde tendance à s’accélérer. Quelle adaptation possible ? Les espèces vivantes vont avoir à y faire face. Les espèces animales dotées d’une grande mobilité pourront bouger vers les latitudes Nord ou grimper en altitude pour se maintenir dans des conditions similaires à celles qu’elles connaissent, dans la mesure où leur nourriture végétale suit le même chemin à la même cadence. Celles qui sont figées au sol par leurs racines ou qui ne se déplacent que par la dissémination de leurs graines vont opérer ces migrations à une vitesse très nettement inférieure à celle requise par le changement climatique envisagé (<1 km par an), leur vitesse de migration naturelle avoisinant les 200 à 300 m par an (1). Le Hêtre et l’Epicéa seront notamment défavorisés par la diminution de la fréquence des hivers froids et par la grande probabilité d’étés très secs. Celles dotées d’un très rapide rythme générationnel (micro-mammifères, insectes…) et donc d’une plus grande capacité d’adaptation répondront mieux aux changements brutaux qui s’annoncent. Celles dont la durée de vie est parfois pluriséculaire (les arbres) le feront à une vitesse probablement insuffisante. En France, au cours du XX° siècle, l’augmentation des températures moyennes s’établit entre 0,7 ° et 1,1 °C (réchauffement plus accentué en altitude). Au cours du XXI° siècle, 2 ° à 4 °C supplémentaires viendront s’ajouter à cette hausse du XX° siècle, en fonction des scénarii de notre capacité à réduire les émissions de gaz à effet de serre (Dequé 2007). La fréquence et l’intensité des vagues de chaleur estivale devraient également augmenter à des vitesses 10 à 100 fois plus élevées que le réchauffement « naturel » observé depuis la dernière glaciation. Les études estiment que, pour réagir à ces profondes mutations de leurs conditions de vie, durant le XXI° siècle, les essences forestières vont devoir subir un déplacement vers le Nord de 250 à 500 km (Thuiller 2007). Au cours de tout le XX° siècle, elles se sont déplacées de 65 m en altitude. Après la dernière période glaciaire et le recul des glaciers vers le Nord, le continent européen est passé d’une forêt de toundra (Bouleau, Pin sylvestre) à une forêt d’essences feuillues telles que le chêne, l’orme, le tilleul, l’aulne, le noisetier et le hêtre. Les essences forestières ont donc cette capacité réelle à migrer. Simplement le processus décrit ci-dessus qui fit passer l’Europe occidentale d’une forêt boréale peu diversifiée à une forêt diversifiée de caducifoliés que nous connaissons aujourd’hui a pris… 6.000 ans. La même hausse de températures va se produire cette fois sur 100 ans ! Plusieurs études françaises tentent de simuler la future répartition des essences forestières dans l’hexagone avec un scénario de hausse de températures contrôlé (B2 : + 2,4 °C en 2090-2099 par rapport à 1980-1999) et un scénario encore plus pessimiste (A2 : +3,4 °C en 2090-2099 par rapport à 1980-1999). Une de ces études (2) se penche sur le sort que ce XXI° siècle va réserver à quatre essences communes en France : Épicéa, Sapin, Hêtre et Chêne sessile. Hormis le Sapin, ces espèces concernent également au premier chef la forêt wallonne. Les conclusions, au terme du XXI° siècle, sont éclairantes quant aux mutations profondes que vont subir nos forêts, nos paysages, nos entreprises, nos habitudes, nos références. À l’échelle française, les surfaces favorables au Hêtre et à l’Épicéa sont les plus lourdement affectées, et ce dès le début du XXI° siècle, celles du Chêne baissant plus fortement à partir du milieu du XXI° siècle. Ainsi, les surfaces propices à la présence du Hêtre et de l’Épicéa diminuent de 50 %entre les périodes 1961-1990 et 2011-2040, et diminuent encore à la fin du XXIe siècle de 80 à 93 % pour le Hêtre, et de 92 à 99 % pour l’Épicéa, selon que l’on considère le scénario B2 ou A2. Pour l’Épicéa, les zones les plus favorables à la fin du XXIe siècle se cantonnent à une petite frange aux altitudes les plus élevées des Alpes internes. La différence d’impact du changement climatique entre les scénarii A2 (+3,4 °C) et B2 (+2,4 °C) semble relativement faible pour ces deux essences. Le Chêne sessile pourrait être l’essence la moins atteinte, la surface favorable à sa présence diminuerait plus tardivement, l’impact du changement climatique paraissant limité jusqu’au milieu du XXIe siècle (moins de 10 % de pertes). Cependant, les modèles prédisent une perte de surface favorable de 43 % selon le scénario optimiste (B2), et de 83 % dans le cas pessimiste pour la période 2071-2100. Et en Ardenne ? Aujourd’hui, en Haute Ardenne et singulièrement sur le massif de Saint-Hubert et de Nassogne, le Hêtre et l’Epicéa sont, et de très loin, les deux essences les plus largement représentées. À elles deux, elles couvrent aujourd’hui 81 % de la surface forestière. En extrapolant les résultats mis en évidence par l’étude française (qui prend en compte les massifs forestiers transfrontaliers de l’Ardenne et de la Lorraine), ces 81 % d’occupation actuelle des sols par le hêtre et l’Épicéa sont réduits à 40 % durant la période 2011-2040 et chutent à moins de 7 % à la fin du siècle.
Le Hêtre et l’Épicéa représentent également, aujourd’hui, près de 90 % du volume des ventes de bois de la Commune de Nassogne. Si le Hêtre et l’Épicéa occupent un tel pourcentage de la forêt d’aujourd’hui c’est dû à une série d’éléments naturels, écosystémiques et humains.
Notre étrange rapport au temps Une difficulté majeure face à ce type de constat est de réconcilier des notions de temps, fort variables selon les interlocuteurs qui se trouvent autour de la table du débat. L’horizon de temps de l’élu est de 6 ans. Celui de l’adjudicataire de chasse est de 9 ans. Celui de l’habitant de Nassogne, une fois l’âge de la conscience pleine atteint, est de 60 ans. Celui de la forêt s’étend très largement bien au-delà du siècle. La forêt en mesure de s’adapter, le moins mal possible au siècle qui s’ouvre doit commencer à être plantée ou régénérée aujourd’hui. C’est aussi l’échelle de temps du forestier. Devant un siècle de pareils bouleversements, plus la forêt sera diversifiée et plus les chances seront grandes qu’elle puisse, grâce à cette diversité même, trouver les pistes de solutions à sa survie. Laisser une forêt reposer sur deux essences dominantes, largement décrites par les scientifiques comme les moins adaptées au siècle qui s’ouvre, revient à la condamner à disparaître à très court terme. Et avec elle, les actuels revenus de vente de bois de la Commune. Références : (1) ECORES-TEC 2011— Région Wallonne-Étude adaptation au changement climatique, 2011. (2). Impact potentiel du changement climatique sur la distribution de l’Épicéa, du Sapin, du Hêtre et du Chêne sessile en France Christian Piedallu – Vincent Perez – Jean-Claude Gégout François Lebourgeois – Romain Bertrand, Rev. For. Fr. LXI – 6 — 2009.
2 Commentaires
Et les gestionnaires forestiers continuent à planter des ''sapins" en 2ème, voire 3ème génération. Sols plus qu'épuisés, fomes anosus garanti, biodiversité anéantie, qualité paysagère anéantie, scolytes à profusion,..... Ils se lancent maintenant dans les mêmes proportions sur le douglas, mais la surpopulation de gibier est un frein énorme et nombreuses maladies s'en occupent également. Et les communes continuent dans ces investissements dévastateurs tant naturels que financiers. Laissons produire la forêt, elle même, et que l'industrie du bois s'adaptent à la production au lieu d'imposer leurs exigences sylvicole;
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jacques vandooren
25/9/2016 21:52:22
Les communes ne gèrent pas leurs étendues forestières. Le DNF en a l' entière exploitation .
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