Non, rassurez-vous, il ne s’agit pas d’errements qu’aurait connus jadis Gertrude la Grande, cette moniale, célèbre mystique de l’ordre de Saint Benoit. Sainte Gertrude est ici le nom d’un territoire de chasse de 264 hectares, situé entre la route Champlon-Nassogne et celle qui va de la Barrière de Champlon à Saint-Hubert. Les pratiques, dans ce territoire, sont à mille lieues de l’image policée que s’efforce de propager le Royal Saint-Hubert Club. Elles sont étayées par des données très sûres. La plupart des dérives décrites restent légales et celles qui ne le sont notoirement pas ont été longtemps tolérées par les autorités compétentes. Elles n’en discréditent pas moins leurs auteurs ... A Sainte-Gertrude, tout est mis en oeuvre pour tuer un maximum d’animaux (cerfs porteurs de grands trophées en priorité), optimisant par la chasse son « rendement à l’hectare », dans un parfait mépris des riverains et du travail d’autrui. Le contexteHistorique L’acquisition du domaine, il y a une quinzaine d’années, ne doit rien au hasard. Il jouxte les Chasses de la Couronne qui, avec plus de 2.500 ha, constituent le principal territoire du secteur et d’où est partie, dès les années 80, une expérience de chasse pilote (cf infra). Gage de leur engagement dans une voie novatrice, les Chasses de la Couronne ont choisi de renoncer à tout tir de cerf à chandelier, au risque de voir des riverains peu scrupuleux abuser du voisinage de cette zone sanctuarisée. Capacité d’accueil du territoire Elle est modeste: le plateau est pauvre, les résineux prédominent largement. Mais deux facteurs artificiels l’augmentent considérablement aux moments stratégiques : • Plusieurs hectares de gagnages entretenus. Ces gagnages ne peuvent être concurrencés localement, parce qu’en termes d’engrais ils ne sont pas soumis aux contraintes environnementales de Natura 2000, qui sont la règle alentour. • Une politique assidue de nourrissage du sanglier. Cette dernière n’a aucun sens de protection de cultures agricoles, la première lisière accessible étant à au moins 6 km à vol d’oiseau, et tous les territoires voisins tirent le sanglier. Généreuse et à heures régulières, elle s’est révélée d’autant plus efficace que ce nourrissage est proscrit depuis 30 ans sur les Chasses de la Couronne et à Mochamps. A l’automne, et malgré la présence d’un chien, ce nourrissage a tôt fait d’attirer, jusqu’aux fenêtres de l’habitation du garde, les biches des territoires voisins … que suivront les cerfs. En septembre, les photographes de Sainte Gertrude ont plusieurs fois mentionné la présence sur le territoire d’au moins 50 non-boisés (189 non-boisés/1000 ha !). Et de fait, l’aire de brame séculaire de Mochamps s’est rapidement vidée au profit d’un tel Eldorado. Quiétude Le territoire ne bénéficie pas d’une quiétude particulière. Il est habité en permanence par un garde et sa famille, lesquels aménagent les dizaines de postes de tir et miradors et nourrissent les animaux bruyamment (quads ou 4x4 avec remorque : un bruit audible à plusieurs centaines de mètres à la ronde). Le garde-chasse parcourt, régulièrement en quad, tous les chemins du territoire et ses limites avec les Chasses de la Couronne. En automne, les lieux sont, en outre, investis matin et soir par une équipe dévouée de photographes et de vidéastes, sans compter le (ou les) chasseur(s). Les faitsUn cimetière de grands cerfs En 6 ans, 10 grands cerfs (ici définis comme cerfs à chandeliers âgés d’au moins 10 ans) sont tombés à Ste Gertrude, soit plus de 10 % de ceux récoltés sur l’entièreté du secteur, alors que ce territoire n’en représente que 1.8 % de la superficie. Entre 2010 et 2015, on a tué là, en moyenne, 6.3 grands cerfs /1000 ha et par an. Or, dans ce massif, il est estimé impossible de prélever durablement plus d’un grand cerf /1.000 ha et par an … Cette « performance » égoïste n’a été possible que grâce à plusieurs facteurs dont : • Des modifications « sur mesure » du règlement d’ordre intérieur de l’Unité de gestion. Ainsi, le tir en battue à Ste Gertrude de nombreux non-boisés (biches et faons) des territoires voisins, attirés par le nourrissage, a été élevé au rang de remarquable contribution au plan de gestion et récompensé par un accès encore accru au tir de grands cerfs. • Le mépris total du projet historique de l’Unité de gestion. Si le secteur de l’Unité de gestion cynégétique de Saint-Hubert est connu dans l’Europe entière, c’est parce que ce territoire s’est globalement doté, depuis plus de 20 ans, d’une politique de chasse et d’outils de suivi des animaux, qui ont permis le rétablissement d’une proportion seulement normale de cerfs d’âge adulte. • Le dévoiement du travail de nombreux autres acteurs (photographes et/ou ramasseurs de mues). Pour les passionnés de la première heure, il s’agissait de permettre, enfin, aux cerfs à chandeliers d’atteindre un âge adulte. Ce système est aujourd’hui perverti. En contrepartie de l’autorisation de leur présence, les photographes ont presque tous accepté d’être réduits au statut servile d’auxiliaires cynégétiques : ils renseignent aux chasseurs les cerfs convoités, ils en facilitent le tir. Pour la plupart, les titulaires de chasse utilisent maintenant cette manne d’informations que sont photographies et expositions de mues (bois des cervidés) pour optimiser leur « panier d’automne ». Sans risque d’erreur, les plus grands cerfs tombent à 10 ans, pas une année de plus … Sangliers et non-boisés Si les grands cerfs sont tirés au pirsch, les autres grands animaux le sont en battue. Là aussi, « les affaires vont bien ». Outre le nourrissage mentionné plus haut, le territoire s’est notoirement distingué par l’utilisation de longs pans de clôtures, forment « nasses », lors de battues par vent dominant (figure 1). Malgré les injonctions répétées de l’Administration, le propriétaire est longtemps resté rétif au démantèlement de ses clôtures. Pour rappel, un décret interdit, depuis l’an 2000, toute chasse en territoire totalement ou partiellement clos. Pourtant, à l’automne 2008, plus de 4 km de clôtures « judicieusement utilisées » persistaient autour de Ste Gertrude. Un exemple parmi d’autres a marqué les mémoires, avec, pour la seule journée du 26 octobre 2008, un tableau équivalant à 142 pièces de grand gibier (dont 38 grands cervidés)/1.000 ha : de quoi faire bondir le cours d’une action de chasse ! Conclusions et perspectives.Dans ce secteur du massif forestier belge, le plus médiatisé, deux chasseurs - et celui de Sainte-Gertrude emporte de loin la palme - s’en sont donné à cœur joie, cyniquement, sans respect pour leurs voisins, sans l’ombre d’une vision plus élevée que leur propre avidité. L’administration de la Nature et des Forêts a pour mission de veiller au maintien de la densité des cervidés en équilibre avec la capacité d’accueil du milieu (aspect quantitatif). Mais, en ce qui concerne les cerfs d’âge adulte (aspect qualitatif, respect de la biologie), il suffirait que les Chasses de la Couronne renoncent à la sanctuarisation de leur territoire pour que s’effondre brutalement le résultat de 25 ans d’efforts d’acteurs de tous horizons.
Sainte Gertrude, un triste exemple de ce qu’il résulte de confier la gestion de la faune sauvage aux seuls chasseurs, même constitués en conseils cynégétiques. Michel David (LBPO 06/2017)
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Sur le Blog de Nassogne, André Magerotte livre une dernière lettre ouverte à propos de Nassonia : À l’heure où beaucoup, dans notre village, ressentent un effet « gueule de bois » tandis que d’autres s’imaginent rassurés d’être à nouveau rassérénés dans leurs petites habitudes sans vision et sans avenir, leur « tranquillité » comme ils disent, je viens de découvrir une interview de Léopold Lippens, le très visionnaire bourgmestre de Knokke-Heist. (Supplément « style » au Trends tendances de ce 15 juin).
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Octobre 2018
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