Le vendredi 9 juin, la Fédération Wallonne de l’Agriculture organisait en ses murs, une table ronde visant à faire le bilan de la situation en matière de dégâts de gibier, dont on sait qu’ils sont de plus en plus fréquents et graves pour de nombreux agriculteurs. Ils avaient invité, outre les deux Ministres de l’Agriculture (fédéral et régional), l’ensemble des parlementaires wallons des commissions de l’Agriculture et de l’Environnement. Résumé d’un échange très intéressant… En présence de plusieurs parlementaires wallons ou de leurs représentants, ainsi que du Ministre Borsus et d’un représentant du Ministre Collin, le Président Joseph Ponthier a brièvement introduit la réunion en en rappelant les objectifs : faire un bilan de la situation des dégâts causés par la faune sauvage tant du point de vue des agriculteurs, des riverains, des forestiers et des environnementalistes. C’est Didier Vieuxtemps, de Nassogne, conseiller au Service d’études en charge de cette matière, qui a ensuite exprimé le constat fait par la FWA sur ce dossier. Il a notamment rappelé que le terme « régulation » est un terme prôné par la Fédération Wallonne de l’Agriculture depuis quelques années déjà. Si la population des espèces était correctement régulée, on parlerait beaucoup moins de la problématique des dégâts, d’indemnisation et de clôtures et les relations entre agriculteurs-chasseurs seraient certainement meilleures. Il est évident que les dégâts de la faune sauvage sont trop nombreux et provoquent des situations de plus en plus intolérables. Les agriculteurs sont les premiers à se plaindre depuis longtemps pour des récoltes détruites, mais ces dégâts s’étendent également chez les particuliers et en forêt. On ne compte plus les parterres retournés, les pelouses labourées, les accidents de voiture, les dégâts aux arbres forestiers, aux terrains à destination récréative comme les terrains de golf, terrains de football, etc. Nonobstant ces inconvénients majeurs, d’aucuns chasseurs osent même rendre les agriculteurs responsables d’une partie des dégâts ou de leur reprocher d’établir des cultures jugées être zones de refuge du sanglier alors que c’est principalement en raison de cette surpopulation que le gibier est contraint à trouver refuge en dehors du bois parce que sa capacité d’accueil a largement atteint ses limites. Il est donc plus qu’urgent de prendre ce dossier à bras-le-corps et de mettre en œuvre une politique cohérente qui permette de juguler cette surpopulation de grand gibier. Gérard Jadoul, spécialiste de la grande faune en Wallonie, a ensuite pris la parole, en précisant qu’il était là en qualité de naturaliste et qu’il voulait s’exprimer librement… quitte à heurter certains membres de l’assistance. La grande faune fait partie intégrante de la biodiversité, mais elle peut également lui nuire, si on dépasse un certain niveau de concentration de grand gibier, a-t-il d’emblée annoncé. Les graphiques de l’évolution de la grande faune montrent une hausse ininterrompue depuis 3 à 4 décennies, une tendance que l’on rencontre aussi dans d’autres pays d’Europe, comme en France ou en Italie. Les causes de cette hausse sont plurielles. On peut évidemment incriminer le changement climatique : des hivers moins rudes ne jouent plus le rôle de régulateur naturel qui élimine les plus faibles des animaux. Néanmoins, il faut aussi relever la responsabilité des chasseurs, qui par ailleurs contestent les chiffres de hausse présentés par le DNF. Des pratiques comme un nourrissage intensif, une pression insuffisante de la chasse sur les populations de gibier, ne font rien pour arranger la situation, bien au contraire. Gérard Jadoul souligne que les prix d’une journée de chasse pour les grandes chasses organisées par des sociétés étant en hausse, il est évidemment important pour les participants d’avoir pléthore d’animaux à tirer… Dans ces conditions, la gestion de la population de gibier ne répond évidemment pas aux mêmes objectifs pour les uns ou les autres… La surpopulation de grand gibier cause des dégâts aux cultures et pâtures, mais aussi aux jardins des particuliers, la pression poussant certains animaux à sortir de leur lieu de vie pour s’approcher des agglomérations. De plus, la présence massive des cervidés et des sangliers a aussi des conséquences sur la capacité de renouvellement des forêts : les fruits sont mangés avant d’avoir pu donner naissance à un nouvel arbre, les écorces et branchages rongés, les jeunes troncs cassés… Cela nuit aussi, on le comprend aisément, à la préservation d’autres espèces animales dont le biotope est dès lors perturbé. L’aspect sanitaire de la problématique est aussi très préoccupant : comme la FWA l’avait mentionné dans l’introduction, ces grands animaux sont porteurs de diverses pathologies qui, si elles s’étendaient, pourraient causer une crise sanitaire majeure, un risque que Gérard Jadoul estime bien réel ! M. Jadoul a également évoqué les plans de régulation de plusieurs pays voisins, dont celui du Grand Duché de Luxembourg, qui a pour double objectif de respecter la biodiversité et de prévenir les épizooties. Diverses mesures préconisées par le Ministre régional précédent ont été abandonnées par le Ministre actuel, ce qui est regrettable, estime G. Jadoul, qui considère que pour que ce dossier avance, il est indispensable qu’une réaction politique s’organise urgemment dans notre région. Après ce passionnant exposé, divers témoignages d’agriculteurs ou de riverains ont permis d’illustrer les conséquences sérieuses de la surpopulation de grand gibier sur le territoire. Au travers de ces témoignages, on a pu également mesurer toute la difficulté qui existe à faire reconnaître leur part de responsabilité par certains chasseurs, et la quasi-impossibilité à obtenir réparation des dommages occasionnés dans de très nombreux cas. Une tension bien réelle existe entre les usagers des zones fréquentées par ces animaux, et les chasseurs, dont les objectifs ne rejoignent plus celle de la majorité de nos concitoyens. Outre les dégâts observables, comme les arrachages de clôtures, le piétinement ou la destruction du sol par des animaux, plusieurs agriculteurs témoignent aussi de problèmes sanitaires dans leur bétail qu’on peut attribuer à une mauvaise surveillance épidémiologique du gibier, qui transmet ainsi ses pathologies aux bovins ou ovins. À l’issue des exposés et témoignages, divers échanges ont eu lieu avec les élus présents ou leurs représentants. Le Ministre Borsus a réaffirmé son souhait que ce problème soit géré de façon rapide, et a souligné qu’un groupe de travail « Wild Life » a été mis sur pied pour analyser tant le problème que ses solutions potentielles. Anne Bedoret, qui est à la fois agricultrice et expert agricole, explique que pour sa part, elle refuse désormais de réaliser des expertises de dégâts de gibier, tant la tension est palpable avec le monde de la chasse, et la mauvaise foi règne en maître de la part des chasseurs qui refusent de reconnaître leur responsabilité et en conséquence, d’indemniser la partie lésée comme elle devrait l’être. Laetitia Brogniez, députée et agricultrice, explique qu’elle se sent donc doublement préoccupée par ce dossier, dont son exploitation, située dans la région de Philippeville, est également victime. Elle a régulièrement posé des questions parlementaires sur la pléthore de sangliers en Wallonie, mais n’a pas reçu de réponse ambitieuse pour faire baisser les populations. De plus, comme l’a souligné Pierre Mouton, représentant du Ministre René Collin, il est possible pour l’occupant de solliciter une demande de destruction en plaine (le formulaire ad hoc est disponible sur le site FWA, dans la partie formulaires). Quelles mesures pour atteindre un équilibre ? Des plans de tirs pour le cerf existent depuis fin des années 80’, mais la prolifération des dégâts alliée avec l’estimation quantitative de la population par cette espèce démontre aujourd’hui l’inefficacité de ce plan. En l’absence de plan de tir pour le sanglier, la Fédération Wallonne de l’Agriculture demande : – d’allonger les périodes de chasse ; – d’obliger les chasseurs à poser des clôtures de protection aux endroits sensibles (points noirs) et assurer l’entretien régulier de ces clôtures ; – d’éviter pour les bailleurs publics de limiter les dates d’organisation de battues dans leur cahier des charges ; – l’interdiction des restrictions de tir et sanctions éventuelles ; – d’autoriser des battues aux endroits non chassés (réserves naturelles, etc.) – de permettre la destruction du sanglier lors des travaux de récolte ; – d’imposer des plans de tir minima par conseil cynégétique, sur base des résultats de tirs des 5 dernières années ; – de prévoir des ateliers pour écouler les carcasses hors de période de chasse traditionnelle – et SURTOUT, parallèlement à ce plan, la Fédération Wallonne de l’Agriculture demande une modification de la législation sur le nourrissage. Si celui-ci ne constitue qu’un des leviers de la réduction des densités, il n’en demeure pas moins un des facteurs importants. Nous demandons à ce que le nourrissage ne soit plus pratiqué que de manière dispersée durant la réelle période de sensibilité des cultures et uniquement là où des dégâts attestés sont rendus intolérables. La Fédération Wallonne de l’Agriculture demande que le nourrissage soit interdit en période de chasse et en période hivernale. Cela favorisera une dispersion des sangliers sur tous les territoires de chasse et aura un effet très significatif sur la réduction des densités. Une bombe sanitaire prête à exploser ! Enfin, vu le contexte sanitaire actuel de la Brucellose porcine et du risque concernant la maladie d’Aujeszky, le risque potentiel d’autres maladies comme la tuberculose, présente dans la faune du nord de la France ; il nous paraît capital de conscientiser au maximum les chasseurs et toutes les associations de chasse concernées afin que la chasse se fasse de manière coordonnée et uniforme non seulement dans les zones infestées par la bactérie Brucella Suis biovar 2, notamment, et ailleurs. Il faut absolument éviter les plans de tir restrictifs qui préserveraient une partie de la population. Les tirs doivent être intensifiés dans toutes les zones où les densités sont excessives. La destruction sur les lieux de nourrissage doit être autorisée. Il nous paraît urgent de réduire la population de sangliers dans les limites supportables pour les agriculteurs et raisonnables d’un point de vue sanitaire. De plus, chasseurs et autres acteurs de la chasse, tant publics que privés, doivent être formés aux risques de propagation des maladies de la faune sauvage vers les animaux domestiques, chiens, mais aussi les animaux d’élevage. Rappelons aussi que l’on suspecte l’importation et le lâcher de sangliers d’élevage venant de l’étranger, ce qui pose problème tant sur le plan sanitaire, que sur le renforcement des populations locales déjà trop nombreuses. C’est un objectif à atteindre, la régulation doit être le maître mot de tous les acteurs de la ruralité. La Fédération Wallonne de l’Agriculture regrette que le sanglier ne soit plus considéré comme un animal nuisible, que les agriculteurs pourraient réguler eux-mêmes ; la population de l’espèce serait alors certainement en chute libre assez rapidement.
1 Commentaire
JPaul
17/6/2017 21:14:05
Réduire le gibier? Bonne chance, avec l'hégémonie de la chasse sur la forêt wallonne...et la politique wallonne.
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