Nassonia : pourquoi pas... C'est le titre de l'éditorial de la revue Silva Belgica septembre-Octobre de la Société Royale Forestière de Belgique (www.srfb.be/), éditorial écrit par Dominique Gobin, le président de cette société. Nous vous le proposons ci-après : Pour beaucoup d’entre nous, Nassiona a été le « feuilleton de l’été ». En tant que rural ou simplement forestier, au-delà des polémiques stériles qui ont entouré son annonce, on ne peut qu’avoir été interpellé par l’ampleur du projet, par son caractère novateur et par les questionnements qu’il suscite au sein de la diaspora politique, administrative, forestière et naturaliste, bien au-delà du périmètre de la commune de Nassogne. Au moment où vous lirez ces lignes, peut-être aura-t-il abouti et Nassonia sera devenu un projet concret et équilibré, sous l’égide de son promoteur et des autorités communales et régionales concernées. Ou peut-être le projet aura-t-il vécu, victime d’une incompréhension généralisée, d’une ambition démesurée, de peurs profondes face à l’inconnu ou d’intégrismes inavouables ? Toujours est-il qu’aujourd’hui, le projet est bien vivant même s’il subit les affres du doute qui entoure toute idée nouvelle ou novatrice bousculant des certitudes bien ancrées. Il est sur la table de l’administration, des politiques et des responsables communaux de Nassogne et il nous interpelle en tant que propriétaires et gestionnaires forestiers. Il n’est bien sûr pas question de se prononcer sans connaître plus précisément le contenu, les limites et les contours du projet. Mais ce que son promoteur en a révélé et ce que nous en savons aujourd’hui nous autorisent à quelques réflexions de fond que je voudrais brièvement développer ici. Quelles seraient les bonnes raisons de s’opposer à un projet qui, comme Nassonia, a pour objectif de développer un hotspot majeur de la biodiversité en Ardenne ? Une première bonne raison serait une volonté formelle de faire table rase d’un passé d’exploitation forestière raisonnée et de rejeter, sur la superficie concernée, toute autre fonction qui ne soit pas biodiversité, écologie ou nature. Ce serait en effet renier un code forestier qui garantit la multifonctionnalité de la forêt et tendre vers un intégrisme en contradiction avec le concept même de biodiversité. Une seconde raison serait de vouloir en faire « la référence » en matière de gestion d’une forêt soumise à Natura 2000. Ce serait en effet oublier que Natura 2000 n’est exclusif d’aucun type de gestion forestière ni d’aucune des fonctions de la forêt et certainement pas de la fonction productive. Tout au plus pourrait-on en faire « un exemple » parmi d’autres, dont il faudrait éviter toute généralisation tant les situations, stations, objectifs et contraintes des parcelles forestières soumises à Natura 2000 peuvent être différents. Une autre raison serait de considérer que confier la gestion d’une propriété publique à une institution privée pendant une aussi longue période, fût-ce pour des motifs de biodiversité, constitue un risque majeur de déviance par rapport aux objectifs affichés. Ce serait en effet affirmer que les préoccupations de biodiversité et d’écologie sont le monopole du secteur public ou du secteur associatif environnemental (ONG...) et les exclure du champ de la propriété privée. En toute objectivité, rien dans le projet Nassonia tel qu’il nous a été présenté ne vient corroborer une seule de ces bonnes raisons de s’y opposer, même s’il faudra veiller à ce qu’une part plus significative de la superficie productive actuelle reste acquise à une sylviculture dynamique dans le respect de la multifonctionnalité chère au code forestier. Quelles seraient maintenant les bonnes raisons d’adhérer à un tel projet et comment s’assurer qu’elles seront bien prises en compte lors de sa mise en œuvre ? Une première bonne raison est que les 1548 ha du projet resteront soumis au régime forestier avec maintien de la certification PEPC et respect des préceptes de Natura 2000. Il n’y aura donc pas de dérogation ni au code forestier ni à Natura 2000 et la garantie d’une gestion durable sera assurée. Une seconde raison est la volonté d’Éric Domb d’assurer et perpétuer une production forestière de qualité sur l’ensemble du site. Il est question d’un minimum de 600 ha qui resteront consacrés à la production résineuse et feuillue. C’est évidemment insuffisant pour garantir à long terme les ressources nécessaires à la pérennisation du projet, mais c’est l’affirmation que production forestière et biodiversité ne sont pas antinomiques. Il y a encore d’autres raisons de souscrire au projet : la volonté de son promoteur de l’inscrire dans une dynamique de développement économique local, notamment axée sur la filière bois et sur un tourisme de qualité ; celle d’y développer une zone d’expérimentations scientifiques qui pourrait aider à la revitalisation de la recherche forestière ; celle d’atteindre un équilibre faune-flore par une régulation ciblée de la grande faune sauvage ; ... On peut donc trouver beaucoup de bonnes raisons d’adhérer au projet, mais celles-ci doivent être réfléchies et cadrées avec rigueur, vigilance et objectivité, sans précipitation ni enthousiasme primaire, pour bien s’inscrire dans la trajectoire que nous lui anticipons. Nassonia est le projet d’un entrepreneur. Il est fondamentalement novateur et, pour beaucoup de ses modalités, propose des solutions inédites jamais mises en œuvre à ce jour dans ce secteur de la naturalité. Il dépasse l’échelle humaine du temps pour se rapprocher de celle du cycle de nos forêts. Il a donc tout d’un projet dérangeant et inquiétant par les remises en question qu’il nous suggère. Il est un défi à nos certitudes. Pour tous ces motifs, c’est un projet auquel la SRFB doit être associée. Nous ne pouvons être en dehors d’une expérience de cette ampleur qui concerne directement notre domaine de compétences et d’intérêt. Allons-nous décider d’en être l’acteur plutôt que le censeur ? Nassonia est prêt à nous y accueillir. Je pense que nous devons en être pour y avoir à la fois un rôle moteur et celui de gardien du temple. Pour cela, nous devons être plus complètement informés du contenu du projet et de ses tenants et aboutissants. Ce qui nous permettra de définir quel encadrement nous sommes prêts à lui apporter et quels « garde-fous » établir pour éviter toute dérive dans un sens ou dans l’autre. Dominique Godin, président SRFB
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Octobre 2018
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